Les relations entre les Etats-Unis et la Russie continuent à se dégrader, tant directement (sanctions) que sur les "fronts transversaux" que sont l'Ukraine et la Syrie. D'un autre côté, il n'y a aucune raison pour que la situation se stabilise: le "globalisme américain" ne peut tolérer l'existence d'une résistance, si hésitante soit-elle au risque de ne plus être global et la Russie surfe toujours sur cette hésitation , entre intégration économique et revendication souverainiste.
L'évolution des relations entre les Etats-Unis et la Russie, la radicalisation du discours américain, le calme contenu des répliques russes, tout cela suit une courbe ascendante de tension que rien ne semble, à court terme, pouvoir remettre en cause.
Les Etats-Unis ont accusé 13 Russes d'ingérence dans les processus électoraux, sans pour autant que le procureur Muller ne puisse affirmer un quelconque effet de cette présupposée "ingérence" sur les résultats électoraux de 2016. Le secrétaire général de l'OTAN accuse la Russie de relancer la course aux armements - car elle a l'outrecouidance de ne pas laisser son arsenal vieillir et dépérir. L'Ukraine attaque en toute impunité le bâtiment du Centre culturel russe à Kiev pendant que des enfants y sont, sans que la police n'intervienne, laissant sur les murs cette douce inscription "Mort à la Russie", le tout sur fond d'adoption de la loi de "d'intégration" du Donbass, qui pose la Russie en ennemi et permet la reprise du conflit armé dans des proportions aujourd'hui impossibles. En Syrie, le soutien de la coalition américaine permet de maintenir à flot les groupes terroristes agissant contre l'unité du pays et sa pacification. Ainsi, si l'état islamique a disparu, les deux plus gros groupes extrémistes antérieurement appartenant à Al Qaïda viennent d'annoncer leur regroupement, pendant que les tensions entre les acteurs locaux sont exacerbées par les aides partielles et ciblées des Etats-Unis appportées aux uns contre les autres (Kurdes contre turcs), puis aux autres contre les premiers afin de déstabiliser la situation et de diviser. Finalement, le Département d'Etat envisage de nouvelles sanctions contre les oligarques russes et certaines personnalités politiques, dont les fondements sont flous - mais ils sont Russes.
La Russie, face à cet interventionnisme débridé des Etats-Unis, reste de marbre et semble se barricader dans les limites de la diplomatie et du droit. Ainsi, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe, à juste titre, déclare "absurde" les accusations sans fondement des 13 russes. Le président du comité du Conseil de la Fédération déclare que Porochenko est responsable de l'action des nationalistes contre le bâtiment russe et l'ambassade de Russie en Ukraine demande aux Etats-Unis de ne pas soutenir le nationalisme. Pour ce qui concerne la Syrie, la Russie demande aux Etats-Unis " de ne pas jouer avec le feu", rappelant qu'ils ont des preuves du manque de volonté des américains de combattre Al Nusra. Quant aux sanctions, le ministère des Affaires étrangères russe déclare que depuis 2014, il y a déjà eu 50 vagues de sanctions US contre la Russie, ce qui démontre suffisamment leur inefficacité. La Russie s'est habituée et a trouvé le moyen de minimiser les effets négatifs. En cas de nouvelles sanctions, la politique menée jusque-là ne sera pas modifiée, et si vraiment besion est - des mesures plus fortes pourraient être prises. La Russie déclare et demande. Pendant que les Etats-Unis sont dans l'attaque.
Autrement dit, cette politique légaliste et défensive ne fonctionne pas à court et moyen terme puisque les pressions augmentent et que la situation se dégrade sur les fronts transversaux. A long terme, certes, cette politique peut, peut-être, se révéler la bonne, car les Etats-Unis se discréditent. Mais encore faut-il y arriver à ce (très) long terme ... Et y arriver sans trop de pertes. Ou sans pertes irréversibles.
Les hésitations de la Russie à réellement répondre, sans même parler d'adopter une politique offensive, sont parfaitement perçues par l'Occident, qui y voit une possibilité de continuer sans trop de risques réels ses pressions.
Tout se passe comme si la Russie n'assumait pas totalement les conséquences du rattachement de la Crimée en 2014, ou comme si elle n'avait pu imaginer alors que l'Occident serait "froissé" à ce point. Or, sans une vision politique conséquente, les effets positifs du rattachement et de l'affirmation de la Russie à avoir des intérêts stratégiques propres légitimes se retournent contre elles, au lieu d'être politiquement capitalisés. En lançant le gant, il faut accepter le duel et non pas s'habituer à la contorsion.
En tentant de repousser le combat dans les limites de la légalité, la Russie espère éviter le combat. C'est un pari dangereux qui semble, vue la radicalisation, plutôt donner un sentiment d'impunité aux Etats-Unis qui perçoivent la Russie comme un joueur finalement faible, qui voudrait plus faire partie de ce système que de le remettre en cause. Or, les Etats-Unis ne sont pas prêts à intégrer la Russie, un centre de pouvoir existe déjà, et ils ne voient aucune raison pour le partager sans se battre jusqu'au bout, puisque c'est de leur prédominance dont il s'agit.
Vous allez dans le sens de Paul Craig Roberts qui, dans un récent article, reproche à Poutine sa passivité face aux EU qui se comportent comme des voyous et ne comprennent que la force. Je ne suis pas loin de penser comme lui, mais que font les autres? Les chinois, les Indiens, les sud américains, les européens qui n'en finissent plus de se comporter comme des vassaux?
RépondreSupprimerIls attendent comme tous ceux, qui sont pas sûrs, il choisiront la stratégie après. Voilà.
SupprimerLa Corée du Nord a compris, les USA doivent avoir peur, très peur, ils ne connaissent que ce langage; c'est la seule diplomatie valable avec eux. Le blabla des chancelleries ou d'ambassades c'est pour les infos télévisées.
RépondreSupprimerExcellente analyse, merci
RépondreSupprimertrès bonne analyse,Karine, on peut supposer que la Russie est soumise ,comme les autres nations..
RépondreSupprimerJe crois sincèrement que Putin ne s'attendait pas à une réaction aussi hostile de la Merkel au sujet de la Crimée. C'était oublier à quel point l'EU est inféodée aux US et se comporte comme un vassal utile, cependant il est évident que l'Allemagne voulait bénéficier de la main d'oeuvre bon marché de l 'Ukraine tout en faisant également son jardin en matière de céréale, sous l'égide de Monsanto et autorisant le shale gas pour le fils Biden puisque les allemands ne veulent pas de ca sur leur territoire.
RépondreSupprimerLa Russie n'a pas grand chose à faire ni rien à attendre de l'EU sur la Crimée. En poursuivant la remise sur pied de celle-ci, la Russie fait un pied de nez à l'UE et à l'Otan pour qui la Crimée représentait la possibilité de nouvelles bases (tout comme le litige des Kuril actuellement au Japon).
En ce qui concerne la Syrie, je serais moins sur de l'inaction de la Russie. Lavrov lance des appels, répétés et clairs, pour que les US clarifient leur positions et au mieux dégage au plus vite. Il n'est pas à exclure un affrontement au Moyen-Orient, l'axe chiite (Iraq, Syrie, Iran, Hezbulloah) soutenus par la Russie pourraient mettre de l'ordre. Seule inconnue la Turquie qui retourne sa veste plus vite que son ombre.
La Russie a toujours été pragmatique, elle attend l'occasion mais elle n'est pas faible. Elle est juste bien plus raisonnable que les US, et surtout bien moins stupide. Les seuls, à l'heure actuelle, qui peuvent faire pencher la balance en faveur de la Russie, est l'UE, en se rapprochant de la Russie et graduellement retirant les sanctions. Mais en auront-ils le courage, là est la question. Les pays de l'Est, appuyés, conseillés par les US font tout leur possible pour que cela n'advienne pas.
Dans l'intervalle, la Russie consolide ses acquis, rassure ses alliés, vends des armes, est leader en fournisseur de céréale non OGM, remplit ses réserves d'or et propose des alternatives pacifiques aux conflits.
En y pensant bien, la Russie tient les US par la barbichette que ce soit en Ukraine ou en Syrie, raisons pour lesquelles les US sombrent dans le ridicule (qui ne tue pas) et l'hyper agressivité en sus des accusations sans fondements. C'est tout ce qu'ils ont.
Lavrov a clairement dénoncé la paranoia de masse, la course à l'armement des US, et prend les menaces américaines pour ce qu'elles sont, ridicules, sans aucun sens et tellement récurrentes qu'il n'y fait plus attention.
Une très bonne position et je ne parierai pas que la Russie soit aussi inactive qu'elle ne le laisse penser. Les Russes, Putin ne veut pas tomber dans l'engrenage futile des menaces vides de sens, c'est la raison qui parle, mais à bien y regarder, la Russie est prête à n'importe quelle inconvenance, juste quelle ne le crie pas sur les toits. Elle agira en temps et en heure si les menaces éhontées devaient se concrétiser en hostilités armées.
Excellente analyse, posée et experte.
SupprimerExcellente analyse!
SupprimerLe jeu de l'Occident est de faire réagir la Russie, et à son grand désarroi elle reste calme, et en le faisant elle ne nourrit pas l'esprit belliqueux de L'Occident! La Russie est forte, et dans le fond, l'Occident le sait; la Russie attaquera l'Occident, seulement si son territoire est attaqué! Mais cette fois-ci, si la situation devait se produire, cette guerre ne se limiterais pas uniquement à ses frontières, comme par le passé, mais directement sur le territoire américain, et ses bases militaires! Oui! La Russie est prête, mais l'Occident ne l'est pas!
exactement ma pensée
SupprimerPoutine sait qu'un conflit armé avec les EU est inévitable à long terme....Quand on ne peut pas éviter sans cesse l'agresseur, il vaut mieux frapper le premier !
RépondreSupprimerVaut mieux espérer qu'ils ne frapperont ni l'un ni l'autre, sinon c'est la fin pour tous.
SupprimerAvez-vous une petite idée des rapports de forces en jeu ? Pensez-vous que les peuples européens ne seraient que des spectateurs passifs et non victimes d'un tel conflit ??
SupprimerBonjour tout le monde,
RépondreSupprimerQui a jamais vu un président en campagne électorale entrer en guerre de son propre chef ? Et évidemment, les faUt€urs de troUble$ en profitent. Espérons qu'ils n'y parviennent pas ...
Non2.
Je pense qu'il nous manque encore beaucoup d'informations pour nous permettre d'éviter de tomber par facilité dans le bac à sable des réponses manichéennes.
RépondreSupprimerUn article écrit par le Saker donne une bonne analyse vue depuis un point d'observation plus élevé que celui utilisé par des stratèges en chambre qui voudraient faire de Poutine le sauveur de l'humanité. Je doute que ce soit son rôle et ça n'a pas à l'être. Cette analyse qui part des relations russo-syriennes traite également des relations avec les Usa et Israël. Aucune note émotionnelle incompatible avec la géopolitique n'y transpire. A l'observer de plus en plus et peut-être de mieux en mieux je pense que Poutine agit en adulte.
http://lesakerfrancophone.fr/pourquoi-poutine-autorise-t-il-israel-a-bombarder-la-syrie
également reproduit ici :
https://fr.sott.net/article/31849-Pourquoi-Poutine-autoriset-il-Israel-a-bombarder-la-Syrie
Et là:
https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/pourquoi-poutine-autorise-t-il-201385
Pretty! This has been an extremely wonderful
RépondreSupprimerarticle. Thank you for supplying these details.