A. Joukov, président du Comité olympique russe |
Le CIO a eu hier la tentation du jugement de Salomon dans l'affaire de la suspension sine die prononcée par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) contre l'équipe russe, collectivement. Car, comme dans la Bible, le bon roi Salomon-CIO se rend compte de l'impossibilité de rendre un jugement équitable: il ne peut y avoir de responsabilité collective, mais il ne peut y avoir de participation de la Russie. Toutefois, contrairement à l'histoire biblique, il ne peut non plus y avoir de changement de stratégie, comme l'a immédiatement affirmé l'IAAF. A ce sujet, le journal L'Equipe a écrit un manigfique article de propagande. Revenons donc sur cette affaire.
La décision du CIO n'était pas une grande surprise, car les jeux étaient fait depuis longtemps. Chacun savait parfaitement qu'il allait reconduire la sanction prise par l'IAAF contre l'équipe russe, tout a été fait pour, comme nous l'avons déjà écrit. La question était de savoir dans quelle mesure.
Or, heureusement, le ministre russe du sport, V. Mutko, qui brille principalement par son incompétence en ces temps difficiles, a déclaré ne pas se rendre à Lausanne pour la réunion spéciale du CIO. Pour cela, remercions-le. Le président du Comité olympique russe, A. Joukov, a défendu point par point les intérêts des sportifs russes. Sans pouvoir obtenir de réponse, il a pu simplement mettre le système olympique face à sa politisation et ses égarements inévitables.
Pour mieux comprendre ce qui s'est passé, partons d'un article paru dans L'Equipe, dont le parti-pris démontre, s'il en besoin, à quel point le sport est devenu une affaire (géo)politique.
Les athlètes "neutres"
L'Equipe écrit:
Celle-ci a confirmé la suspension de la fédération russe et indiqué que seuls des athlètes russes ayant vécu à l'étranger et ayant subi suffisamment de contrôles pourraient être repêchés par l'IAAF comme ''athlètes neutres''. Bach a reconnu la validité de cette décision, mais a précisé que les athlètes ainsi repêchés (pas plus de quatre ou cinq) .
Evidemment, L'Equipe ne prend pas la peine de replacer les citations dans leur contexte. Alors faisons-le à sa place. Car A. Joukov s'interroge, et interroge le CIO, sur ces "étranges athlètes neutres vivant à l'étranger". Il ne les connait pas, puisque tous les athlètes russes dépendent du système russe, comme dans chaque pays.
Peut être faut-il dire tout haut ce que A. Joukov a eu la délicatesse de simplement insinuer. Il doit certainement s'agir de ces sportifs russes contrôlés positifs par la Russie, qui sont partis aux Etats Unis et au Canada, qui ont participé très activement aux films contre la Russie, récemment diffusés, et qui, malgré leur contrôle positif au dopage, pourront participer sous drapeau olympique. En échange. C'est ce que le CIO appellent des athlètes "neutres". Etrange conception de la neutralité ...
De fait, l'on comprend pourquoi ils seraient si peu nombreux à participer. Car, heureusement, ce type d'individus n'est pas encore majoritaire et dans l'ensemble les athlètes, non seulement ne se dopent pas, mais ne s'abaissent pas à ce type de marchandage.
Drapeau russe
L'Equipe écrit:
les athlètes ainsi repêchés (pas plus de quatre ou cinq) «concourront sous les couleurs russes car seuls les membres affiliés au comité national olympique peuvent participer aux JO. Or le comité national olympique russe n'est pas suspendu».
En effet, il a bien fallu se rendre compte qu'il n'existe strictement aucun fondement juridique pour interdire aux athlètes russes de participer sous drapeau russe, car la Russie ne boycotte pas les JO et n'est pas un pays en guerre.
Sur ce point, le CIO a bien dû rappeler le règlement à l'IAAF, qui semble assez hystérique.
La fiabilité des contrôles anti-dopage
L'Equipe écrit:
Thomas Bach a également précisé qu'il y avait «des doutes sérieux sur la présomption d'innocence des athlètes russes» (...) Dans ce processus, l'absence de contrôle antidopage positif réalisé dans le pays concerné ne doit pas être considérée comme suffisante.
A. Joukov s'interroge sur le fondement des doutes du CIO quant à la probité des athlètes russes, car depuis novembre 2015, tous les contrôles antidopages sont immédiatement envoyés à Lausanne (siège du CIO) ou à Cologne sous contrôle du Comité antidopage britannique et par l'Agence indépendante International Doping Tests and Management. Donc, si le CIO n'a pas confiance en ces structures, lesquelles pourraient avoir l'honneur d'en bénéficer?
Ici non plus, pas de réponses.
La défense de l'intérêt des sportifs "propres"
L'Equipe écrit:
«Serait-il juste de rendre impossible la présence de Yelena Isinbaeva aux JO de Rio, où sera engagé Justin Gatlin, double suspendu pour dopage ? s'est ainsi insurgé Alexandre Joukov, le patron de l'olympisme russe. Du point de vue des athlètes russes, c'est une injustice extrême et une humiliation.»
Sauf que les mots ne furent pas tout à fait ceux-ci, il faut tout remettre dans le contexte. Selon Claudia Bokel, à la tête de l'association des sportifs olympiques, il faut suspendre tous les sportifs russes pour protéger l'intérêt des sportifs propres des autres pays. Suite à cette prise de position, A. Joukov a demandé en quoi la participation à ces JO de grands sportifs convaincus de dopage, comme les américains Tyson Gay ou Justin Gatlin, va être juste face à la suspension de grands sportifs russes propres comme Elena Isinbaeva et Sergueï Chubenkov.
Pas eu de réponses.
Le refus de l'IAAF
Et comme il ne peut pas y avoir de responsabilité collective, c'est aux fédérations internationales de mettre en place chacunes les mécanismes de recours individuels.
«Chaque Fédération internationale doit prendre une décision sur l'éligibilité de ces athlètes, a déclaré Bach.
Or, ce que n'écrit pas L'Equipe, qui d'un coup d'un seul explique que les sportifs russes vont se retourner en justice, est que justement l'IAAF a immédiatement affirmé qu'elle refusait d'examiner des recours individuels car il n'y avait pas de procédures prévues. Et qu'elle n'entend pas les mettre en place.
Donc effectivement, il ne reste que la possibilité de s'adresser à l'arbitrage sportif international. A. Joukov a annoncé que la fédération russe allait préparer les recours, Isinbaeva va également envoyer un recours individuel. Voyons ce qui en ressortira et si l'arbitrage, dont les procédures normalement sont assez longues, prendra la peine d'analyser la situation rapidement - au moins avant les JO ...
Pour finir, se pose la question de V. Mutko. Il est certes bien vu en Occident, et pour cause il est difficile d'imaginer un ministre qui défende aussi mal les intérêts du sport national. Celui-ci, à la différence de A. Joukov, combatif, ne cesse de demander ce qu'ils peuvent faire de plus pour satisfaire les exigences occidentales. Trois tests antidopages de plus par sportif russe est sa dernière idée.
Il est temps pour V. Mutko de comprendre, dans la mesure de ses possibilités, qu'il a déjà "suicidé" le système de contrôle antidopage russe et l'a mis sous tutelle britannique. Qu'il s'est déjà abaissé autant que la souplesse de son dos et de ses jambes le lui ont permis et même au-delà. Que reste-t-il à faire? Le suicide semble une option qui satisfairait totalement ses amis occidentaux. Son suicide politique est déjà réussi, il ne reste qu'à en prendre acte. Avant, si possible, qu'il ne suicide tout le sport russe.
Comme commencent à le dire ouvertement certains analystes, le sport étant devenu un élément de la (géo)politique, il a besoin à sa tête d'une personnalité forte comme un Lavrov ou un Choïgu. Question d'intérêt nationale. Le temps des Mutko qui boivent un coup avec des joueurs de foot dépassés et surpayés en se disant que ce n'est pas grave, qui fricotent avec les oligarques pour défendre leurs intérêts dans les clubs contre ceux du foot national, de ces Mutko qui veulent avant tout continuer à aller "avec les grands" sur la côte, leur temps est fini.
Il faut ausi en prendre acte, les temps ont changé, la Russie est revenue sur le devant de la scène internationale, elle a besoin d'autres hommes ... à sa dimension.
Merci à vous pour tous ces éléments qui nous aident chaque semaine à y voir plus clair.
RépondreSupprimerCar la propagande occidentale est devenue vraiment confuse et difficile à suivre. Peut-être est-ce un bon signe ?
Je suis complètement d'accord avec vous. Mutko s'est courbé devant toutes les exigences des organisations sportives internationales, sans rien obtenir, bien au contraire, ce qui démontre clairement que toute cette histoire est politique et uniquement politique. Il est urgent de mettre Mutko sur la touche avant que sa servilité ne fasse mourir de honte son pays. Mais comment se fait-il que les dirigeants russes n'aient pas mis cet imbécile sur la touche avant qu'il ne crée autant de dégâts? Si en face d'eux, les occidentaux avaient eu un homme compétent et qui ne s'en laisse pas compter, les choses ne seraient pas aussi catastrophiques, pour les athlètes, aujourd'hui, j'en suis persuadée.
RépondreSupprimer