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jeudi 23 juin 2016

Medinsky, Mannerheim et l'unité historique

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Le Maréchal Mannerheim

Hier, à l'occasion de la date à laquelle en 1941 l'aviation allemande a bombardé les territoires de l'URSS, la Société militaro-historique russe s'est réunie. V. Medinsky, ministre russe de la culture, a alors prononcé un discours qui mérite une certaine attention. L'histoire d'un pays est un bloc, l'on ne peut choisir et seule sa connaissance permet à chacun de ne pas être un jouet entre les mains des falsificateurs. 



Le ministre russe de la culture déclare devant une assemblée choisie:
Mettre fin à cette guerre civile dans la tête est à mon avis la clé du succès, arrêter de diviser l'histoire en mauvaise, celle dont on a honte, qu'il faut oublier, et celle qui est bonne, acceptable. Il nous faut voir notre histoire comme une unité, une entité non explosive, dont nous héritons entièrement, Une personne qui possède réellement des connaissances sur le passé, qui est capable de les assimiler, est un individu qui ne pourra jamais être un jouet pour la spéculation géopolitique, pour la propagande, pour la falsification.
Nous ne pouvons qu'être d'accord avec le ministre de la culture, qui pose ces éléments juste avant les cérémonies devant fêter la révolution d'octobre. Fêtes délicates à appréhender politiquement.

Oui, l'histoire d'un pays est un tout, l'on ne peut choisir ce qui nous convient ou pas. Il est dangereux de faire comme les révolutionnaires bolchéviques rejetant l'Ancien régime, comme les révolutionnaires des années 90 rejetant l'Union soviétique.  La Russie n'a certainement plus besoin de ces "guerres civiles dans la tête" des gens, elle doit pacifier sa mémoire, l'heure n'est plus aux révolutionnaires.

Pour autant, connaître son histoire et l'accepter comme un tout ne veut pas dire refuser de considérer qu'il y ait des moments noirs, des pages sombres, qu'il ne faut certes pas oublier, mais qu'il ne sert à rien non plus de vouloir colorier gaiement.

Ainsi, le 16 juin, cette même Société militaro-historique russe a fait inaugurer à Saint Petersbourg, par ce même minstre de la culture, une plaque commémorative plus que contestable et très largement contestée. Celle du maréchal Mannerheim. En revanche, l'Occident a très bien pris la chose, voici ce que l'on peut lire, par exemple, en français sur le site de l'association France-Finlande à propos de ce "héro" national:
Lors d’un moment critique de son histoire, chaque pays connaît un homme qui se dresse, tel un roc, en France, le général de Gaulle, en Angleterre, Winston Churchill. Pour la Finlande, aux premiers jours de son indépendance, ce fut le futur Maréchal Mannerheim. Aux moments dramatiques, où l’existence même du pays était menacée, il fut le drapeau de la Finlande. (...) Mais ce ne fut pas l’école militaire finlandaise qui l’accueillit, mais la prestigieuse école de cavalerie de Saint-Pétersbourg en 1887. Sorti cornette en 1889, il est admis au prestigieux régiment des Chevaliers gardes. Son séjour près de la Cour impériale lui permet d’acquérir une culture que nous appelons actuellement européenne. Grand cavalier, il sillonne l’Europe dans le cadre de sa fonction au service des remontes et commande l’escadron modèle de l’école de cavalerie Mais l’horizon politique s’assombrit pour la Pologne, les pays Baltes, la Finlande persécutés par le nationalisme russe qui ne veut plus accepter les particularismes régionaux. (...) En septembre 1917, commandant d’un corps de cavalerie sur le front roumain, le Général Mannerheim se considère délié de son lien de fidélité avec la Russie et est mis, sur sa demande, à la retraire pour « opinion non-conforme avec le nouveau régime ».
Ensuite, il devient Régent lors de l'indépendance de la Finlande, la vie politique étant complexe, il dirige les forces armées finlandaises lors de la Seconde Guerre Mondiale et ce site écrit que la Finlande n'est pas alliée de l'Allemagne, elle est simplement co-belligérant. L'on appréciera la nuance.

L'on voit effectivement que le maréchal Manneheim a de très bons états de services sous l'Empire russe.
Les états de service de Mannerheim sont impressionnants. Il se battit au nom de la Russie successivement lors de la Guerre russo-japonaise de 1904-1905 et de la Première Guerre Mondiale entre 1914 et 1917. A ce stade, le général Mannerheim se vit décerner la croix de Saint-Georges au titre de sa bravoure, tandis qu’il était déjà largement reconnu pour ses qualités de tacticien particulièrement efficace.

Pour autant, son rôle lors de la Seconde Guerre Mondiale n'est pas aussi simple que l'on voudrait bien nous le faire croire. Il n'a pas cherché à simplement récupérer les territoires perdus par la Finlande, mais dirigeait une véritable politique expansionniste dont la Carélie, région russe fronalière, a fait les frais. Sa collaboration avec les nazis était totale et il a donné l'ordre d'ouvrir des camps de détention pour les populations russes ethniques, dont le taux de mortalité était le plus par rapport aux autres territoires occupés russes, notamment par l'armée allemande. Quant au blocus de Saint Petersbourg, il ne s'est pas arrêté par grandeur d'âme, mais parce que l'armée rouge l'a bloqué trop loin de la ville pour qu'il ne puisse la bombarder. Ce qui ne l'a pas empêcher de contribuer au blocus, notamment maritime. Beaucoup de documents historiques le confirment. Le reste n'est qu'une jolie contine pour les enfants.


Et c'est en la mémoire de cet homme qu'une plaque commémorative a été déposée à Saint Petersbourg. Le scandale fut énorme. Justement dans la ville qui a souffert, notamment, par lui. 

Dans cette perspective se repose la question de l'unité historique prônée par le ministre de la culture Medinsky. Lors de la comémoration, il a certes souligné le caractère compliqué de la personnalité, mais a rappelé à quel point il était un bon offcier sous l'Ancien régime.

Certes. Mais que cela change-t-il? S'il avait été moins bien formé, sa collaboration active à la destruction du peuple russe, sa collaboration avec l'armée nazie auraient été des éléments plus grave? Quelle est la logique de cette argumentation? 

Et où se trouve la limite? Il faut assi réhabiliter Vlassov - lui aussi a été un bon militaire avant de trahir. Et quelle différence avec le culte de Bandera en Ukraine? Qu'en est-il de la politique constante du Ministère des affaires étrangères contre le phénomène de culte des criminels de guerre?

Chaque pays doit fixer sa ligne rouge, elle vient d'être franchie.

Certes, l'opposition non systémique se tait, trop contente d'un tel cadeau inespéré, mais les autres s'interrogent sur la nécessité de provoquer une cassure dans l'unité nationale. Artificiellement, pour rien.

Très rapidement, la plaque a été, de nuit, recouverte de peinture rouge, couleur du sang russe qui couvre les mains de Mannheim. Elle fut recouverte. Mais personne ne se presse à la nettoyer. 

Il ne faut pas oublier l'Histoire, toute l'Histoire. Non pas pour l'excuser, mais pour éviter qu'elle ne se reproduise et en tirer les conséquences. Pour justement ne pas être un jouet dans les courants géopolitiques, notamment ceux aujourd'hui très à la mode de la grande réconciliation nationale, qui impliquent le culte du pardon, implique de ne pas porter de jugement sur le passé, donc à tout considérer sur un même pied. Les victimes doivent pardonner aux bourreaux, et non l'inverse. Tous unis, sans aucune différence. Mannerheim et Joukov. 

Je ne suis pas certaine que la Russie puisse consolider la société autour de cette vision de l'histoire.

1 commentaire:

  1. Il faut pardonner mais ne jamais oublier. Je crois que les russes ont très bien compris que tout le monde ne pouvait être mis sur un pied d'égalité puisque la plaque commémorative, de ce personnage très controversé, a été recouverte de peinture rouge. Gageons qu'il y aura toujours un veilleur pour la recouvrir de peinture rouge, dans le cas ou quelqu'un aurait l'idée saugrenue de la nettoyer. Peut-être finiront-ils par l'enlever?

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