Quand le Président russe a proposé des pourparlers directs et bilatéraux avec l'Ukraine le 15 mai en Turquie, il ne s'agissait ni d'une rencontre entre lui et Zelensky, ni d'une surveillance serrée américaine de ces pourparlers, devenus finalement bipartites avec les Etats-Unis. Or, la pression est mise pour conduire Poutine à Istanbul, sous la baguette d'une délégation américaine de faucons (Rubio, Witkoff et Kellogg), qui veut imposer l'agenda de capitulation de la Russie. Ceci n'a plus rien à voir, ni avec des pourparlers pour résoudre le conflit à la source, ni avec une rencontre russo-ukrainienne.
Initialement, l'idée du Président russe était de tenter par la discussion de voir s'il est possible de résoudre le conflit à la source. Comme nous l'avons déjà écrit (voir notre texte ici), cette démarche est faussée à l'origine par au moins deux présupposés russes erronés : l'Ukraine n'est pas un sujet, capable de décider, mais un front et un protectorat atlantiste ; les négociations peuvent avoir lieu, quand la dimension militaire est épuisée et que les parties à un conflit peuvent le dépasser, ce qui n'est pas le cas.
Donc en toute logique, la proposition faite par le Président russe a été immédiatement dévoyée, et ce de plusieurs manières.
1 ) Il n'a jamais été question d'organiser à Istanbul une rencontre entre Poutine et Zelensky, mais les Atlantistes mettent la pression en ce sens et la Russie reste, comme à son habitude, très floue. La mécanique a bien évidemment été lancée par les Etats-Unis. Trump a déclaré, qu'il pourrait aller à Istanbul. Le Kremlin a répondu, que Poutine pourrait alors aller en Turquie. Zelensky demande à Trump d'y aller. Trump dit qu'il peut y aller si Poutine y va.
Quel est l'intérêt pour la Russie d'y envoyer Poutine, dans une situation particulièrement conflictuelle et sans accord préalable ? Aucun.
2) Le format bilatéral Russie / Ukraine se transforme en un autre format, avec l'imposition d'une délégation américaine, à la composition atlantiste très marquée. Trump a décidé d'envoyer Rubio, avec Witkoff et Kellogg, donc des faucons, gérer la rencontre. La Russie n'a pas réagi, alors que cela n'entrait pas dans le cadre initialement prévu d'une rencontre bilatérale et qu'elle n'a pas été consultée à ce sujet. Ainsi, le discours atlantiste insistant sur l'impératif d'une rencontre bilatérale n'était qu'un appât pour faire venir la Russie dans un piège diplomatique. Adieu, au passage, les grandes déclarations concernant les discussions sur l'Ukraine, mais sans l'Ukraine.
Pourquoi la Russie, ne réagit-elle pas à cet affront ? Les élites russes, seraient-elles les dernières à véritablement croire à la fable de l'arbitre américain dans sa propre guerre ? Ou même à penser que cette approche puisse leur être profitable d'une quelconque manière ?
Surprenant, car en acceptant aussi docilement toutes les exigences de l'ennemi (puisque dans ce conflit, les Etats-Unis ne sont par arbitre, mais partie), elle se met en position de faiblesse dès le début de ces négociations.
3 ) L'agenda avancé par la délégation américaine n'a rien à voir avec la volonté de la Russie d'une tentative d'éliminer par le dialogue les sources primaires de ce conflit. Les propositions sont par ailleurs fondamentalement incompatibles.
Comme le déclare le vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Ryabkov :
Les sujets abordés sont les mêmes, que ceux qui ont été à l'ordre du jour récemment : comment garantir une résolution fiable et durable de la situation, en s'attaquant d'abord aux causes profondes du conflit, en résolvant les problèmes liés à la dénazification du régime de Kiev, en garantissant la reconnaissance des réalités qui se sont récemment développées sur terre, notamment l'incorporation de nouveaux territoires à la Russie.
Si côté ukrainien, aucune indication n'a été avancée, les Américains furent eux très loquaces. Witkoff a donné une interview le 12 mai à Breibart, dans laquelle il déclare notamment attendre une rencontre entre Zelensky et Poutine et rappelle que les Américains se posent en "médiateur" d'une guerre, qu'il considère "bête" à l'instar de Trump :
Ce n'est pas notre guerre. Nous n'avons pas commencé la guerre, mais nous voulons les aider à y mettre fin.
L'essentiel, selon lui, est la question territoriale, l'accès aux voies d'eau pour l'Ukraine (le Dniepr et la mer), ainsi que surtout la centrale atomique de Zaporojie, qui fait littéralement baver d'envie les Américains.
la centrale nucléaire hors service de Zaporojie était « un véritable joyau » en raison de la quantité d'électricité qu'elle pouvait produire et qu'elle constituait actuellement un « élément majeur de ce débat ». De plus, les voies navigables et l'accès de l'Ukraine à la mer Noire – qui lui permet d'accéder aux océans du monde entier grâce à ses connexions avec la mer Méditerranée – sont également importants.
Kellogg a justement précisé la question de l'accès au Dniepr - de manière militaire, dans une interview à Fox Business le 13 mai :
L'envoyé spécial des États-Unis pour l'Ukraine, le général Keith Kellogg, a déclaré que les États-Unis discutaient du déploiement d'un contingent militaire britannique, français, allemand et polonais sur le territoire ukrainien à l'ouest du Dniepr.
Il a déclaré sur Fox News qu'il était question des forces de résilience, une force appelée E3, mais en réalité E4, puisqu'elle comprend les Britanniques, les Français, les Allemands et, en réalité, les Polonais. Il a précisé que cette force serait située à l'ouest du Dniepr, c'est-à-dire hors de la zone de contact.
Ceci a par ailleurs été depuis longtemps énoncé par Macron, qui le répétait encore le 10 mai : il faut des troupes occidentales en Ukraine.
Les positions des deux paries, russes et américaines, sont incompatibles. La Russie a déjà affirmé refuser toute présence militaire de pays de l'OTAN ou amis sur le reste du sol ukrainien, que la centrale atomique de Zaporojie est russe et le restera, que les territoires devenus russes doivent juridiquement être reconnus comme tel par toutes les parties au conflit.
Rappelons, que la présence de forces militaires étrangères est en général assurée par le vainqueur sur le territoire du vaincu, un temps, pour le contrôler, éviter la résurgence d'un conflit et assurer la transition vers un système politique compatible avec le sien. Peu importe qu'il s'agisse du vainqueur "idéologique" ou militaire, le résultat est le même. C'est bien la raison pour laquelle la Russie ne peut pas accepter ces forces de l'OTAN en Ukraine, sachant parfaitement qu'elles prépareront un nouveau combat.
Mais même cela, ne permettrait pas de résoudre le conflit à la source. Un accord, suite à ces pourparlers, ne permettrait que de suspendre un moment les opérations militaires, en attendant des "temps meilleurs" pour les Atlantistes. Tout conflit finit tôt ou tard par des négociations entre les parties au conflit. C'est une évidence. Mais pour cela, il faut au minimum, que la dimension militaire soit épuisée pour les deux parties et qu'un gagnant et un perdant puisse émerger. Ce qui n'est pas le cas ici : ni la Russie, ni les Atlantistes n'ont objectivement épuisé ce conflit. Par ailleurs, tant que la Russie ne s'attaquera pas à la dimension idéologique de cette guerre, c'est-à-dire tant qu'elle n'aura pas le courage de nommer le véritable ennemi au lieu d'en faire un arbitre, et de s'attaquer réellement à la déglobalisation du pays et de ses élites, elle ne pourra pas espérer de véritable victoire.
C'est également l'avis de pépé escobar sur tg ...
RépondreSupprimerMinsk 3 ahead.
As it stands, looks like Moscow is falling into a ghastly trap.
Je doute fort que des vieux chevaux de retour comme MM Poutine ou Lavrov soient dupes. Ils testent la possibilité de negocier officiellement avec Kiev et peut être résoudre le conflit par voie diplomatique, c'est peu probable mais pas exclu. En même temps ils permettent à Trump de sauver la face et se presenter comme ayant résolu le conflit. Dès lors les USA auront un bon pretexte pour stopper l'aide à l'ukraine en sauvant la face et reduire le risque de voir des tarés de democrates reprendre la main à Washington après les mid terms.
RépondreSupprimerMais oui PAK, Poutine est un grand joueur d'échecs et il ne peut pas perdre). Comment pouvez vous nier les réalités ?
SupprimerPoutine et Lavrov vont prendre une gammelle de plus : Minsk, SYRIE, Arménie etc.
SupprimerPar incompétence et manque de courage, ils mènent la Russie à sa perte.
Que d'étranges contorsions (encore!) : le président russe propose un rendez-vous à Istanbul à partir du 15 mai, - pensant peut-être que la partie adverse le refusera sans accord de cessez-le-feu - puis, après son homologue ukrainien (entité inexistante, comme chacun sait...) a déclaré contre toute attente l'accepter et s'y rendre en personne, le même président russe laisse entendre qu'il ne s'agira évidemment pas de lui-même mais d'une "délégation"... , comme pour signifier qu'il n'est pas question de mélanger les torchons et les serviettes (bien que Poutine et Zelinsky se soient d'ailleurs déjà rencontrés à Paris). Mais alors pourquoi le 15 mai précisément, alors qu'une délégation peut par définition s'y rendre à tout moment?... Cette communication confuse à l'effet désastreux - tout comme le "décryptage" explicatif qui l'accompagne - est révélatrice des tergiversations sous-jacentes: comment faire apparaître le maître du Kremlin en acteur désireux d'une solution pacifique (pour répondre aux exigences de Washington) tout en s'excluant lui-même du processus (pour sembler ne pas se soumettre à un dikat atlantiste, humilier Zelinsky, repousser autant que possible l'échéance, et gagner du temps)? Un bien piètre et étrange spectacle de funambule en effet ...
RépondreSupprimerPoutine est sous la menace d une arrestation par le CIP se rendre dans un pays de l otan serait se jetter dans la gueule du loup ...ensuite la rencontre des 2 chefs d état ne pourrait être envisagée qu à la fin du processus de négociation ,lors de l accord final .. s il y en a un .
Supprimer15:15, c'est surtout la négociation qui devait commencer à l'issue de... la guerre !
SupprimerPoutine est suffisamment intelligent pour comprendre et maîtriser tous les rouages de cette crise. Il sait bien ce qu'il fait. Le temps nous le dira. Une chose est sûre : la partie Atlantique ne gagnera pas cette guerre. Wait & see!
RépondreSupprimerIls veulent que Poutine aille là-bas pour pouvoir le zigouiller et pis c'est tout !
RépondreSupprimerIl peut y être virtuellement en visioconférence, ça serait moins risqué, pour des pourparlers qui ne mèneront à rien. Car les sanctions ont repris ainsi que la livraison d'armes et en plus, il n'est pas question du côté ukrainien de faire la moindre concession territoriale.
Avant hier, les USA faisait de l'Ukraine son proxy : une dague dans le flanc de la Russie
RépondreSupprimerHier, les USA ont volé les richesses naturelles de l'Ukraine : ils appellent cela un traité économique.
Aujourd'hui, les USA annoncent qu'ils vont installer des forces de l'OTAN en Ukraine.
Demain, ce sera chose faite.
Ils ne font qu'appliquer les plans des think tanks des grands banquiers, mais les dirigeants américains sont des chefs de guerre. La Russie n'a plus de tels hommes, quelque chose n'a pas fonctionné.
RépondreSupprimer" tant que la Russie (...) n'aura pas le courage de s'attaquer réellement à la déglobalisation du pays et de ses élites, elle ne pourra pas espérer de véritable victoire."
RépondreSupprimerLe poisson pourrit toujours par la tête, il faudra changer de dirigeants.
Les USA sont l'ennemi de la Russie.
RépondreSupprimerQuitte à lancer en l'air une invitation Poutine aurait donc du inviter Trump à Moscou, plutôt que d'aller rencontrer le clown professionnel Zelinski. Ce voyage à Istanbul est incensé.
Je pense que la Russie manoeuvre. Elle lance ses filets et observe, La partie en face est rouée, mais perd sur le terrain sans aucun renversement militaire possible. Les déclarations de Zelenski dans Libé aujourd’hui- la guerre va s’arrêter, sinon, moment de lucidité, il n’y aura plus d’Ukraine. Mais elle s’arrêterait si la Russie se pliait au diktat occidental. Or, aucune de ses exigences de base ne sont presentes. Sa sécurité et la sécurité collective. Pour la première fois, VP a employé le mot guerre. Un journaliste russe très en vogue disait tout à l’heure : ce sera long. Et conseillait : armez vous de patience et n’ecoutez pas toutes les salades des RS.
RépondreSupprimerIdem pour nous et les RS .
Je viens de regarder plusieurs sources d'information (hors de France) sur l'évolution de la rencontre éventuelle Russie Ukraine USA à Istanbul. C'est un grand méli mélo de tous les côtés.
RépondreSupprimerLe président de la Russie a signé un décret « Sur la composition de la délégation de la Fédération de Russie pour les négociations avec l’Ukraine ». La délégation comprendra :
RépondreSupprimer🟥 Medinsky V.R. – Assistant du Président de la Fédération de Russie (chef de la dénégation)
🟥 Galuzin M.Yu. – Vice-ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie
🟥 Kostyukov I.O. – Chef de la Direction principale de l’état-major général des forces armées de la Fédération de Russie
🟥 Fomin A.V. – Vice-ministre de la Défense de la Fédération de Russie
Le président a également approuvé la composition des experts pour les négociations avec l’Ukraine. Il comprendra :
🟥 Zorin A.S. – Premier chef adjoint du renseignement de l’état-major général des forces armées de la Fédération de Russie ;
🟥 Podobreevskaya EC – Chef adjoint de l'administration présidentielle de la Fédération de Russie pour la politique d'État dans le domaine humanitaire ;
🟥 Polischuk A.A. – Directeur du deuxième département des pays de la CEI du ministère russe des Affaires étrangères ;
🟥 Chevtsov V.I. – Chef adjoint de la Direction principale de la coopération militaire internationale du ministère russe de la Défense.
@SolovievLive
Dévoilée au dernier moment la délégation devait être prête de longue date.
RépondreSupprimer❤️🇧🇬
En bref, la Russie ne plie toujours pas. Maintenant elle dicte! Trump acquiesce, l'Europe est absente, l'Ukraine continue de subir.
RépondreSupprimerLa Russie que les barbares voulaient s'approprier gagnent du territoire et des hommes. Elle gagne aussi du temps et s'arme pour pouvoir faire face à une éventuelle coalition de tous ces pays faillis : L'Orechnik semble devoir être l'arme, parmi d'autres, qui tempérera les ardeurs de ces pervers multifaces. La Chine vient de créer un missile à hydrogène qui semble prometteur...
RépondreSupprimerCette guerre faite à la Russie est la 3ème guerre mondiale, où la Chine remplacera le Japon. Elle intéresse donc les peuples du monde entier qui sont sont victimes de l'empire américain. Certains parmi les plus courageux étaient présents à Moscou le 9 mai 2025.
RépondreSupprimerLa Russie ferait donc mieux, au lieu de livrer une représentation dans un pays de l'OTAN, de lui offrir un studio sur internet, pour présenter en direct la situation au monde entier.
Exposer les crimes de l'occident global est en effet LE moyen de déborder les Atlantistes, pour remplacer les mensonges de leurs dirigeants, par des vérités russes.
Et l'unique moyen d'expliquer que la résistance de la Russie, pleinement justifiée sur le champ de bataille du proxy américain, l'Ukraine d'après 2024, est LA solution pour rétablir la paix dans le monde.
En attendant, des narratifs mensongers sur Istanbul2 seront écrits par les grands banquiers américains et diffusés mondialement par leurs médias dominants.
Est ce trop demander au Kremlin d'avoir une stratégie de communication efficace, plutôt qu'une épuisante et illusoire "négociation" ?