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mercredi 27 août 2014

Ukraine: l'impossible processus de paix

Россия предупредила Украину и ЕС
V. Poutine à la conférence de Minsk
Sans grande surprise, le sommet à Minsk entre les membres de l'Union douanière (Russie, Biélorussie et Kazakhstan), les représentants de l'UE (affaires étrangères, économie et énergie) et l'Ukraine n'a rien permis de résoudre. L'on peut bien sûr estimer que le simple fait d'une rencontre Poroshenko-Poutine ou de leur poignée de main, d'ailleurs analysée à la loupe - faute de mieux - soit déjà une grande victoire, une avancée significative. Car que pouvait-on attendre de plus? Un processus de paix est un renoncement et chaque partie, le pouvoir à Kiev autant que les combattants dans l'Est, a encore trop à perdre et pense encore pouvoir gagner, pour renoncer à quoi que ce soit. Ce sommet est arrivé trop tôt ou trop tard, s'il n'est qu'une simple opération de communication.

A la demande de Poroshenko, une rencontre justement dans ce format fut organisée par le Président biélorusse, en territoire neutre. Mais cette rencontre, finalement, a été organisée soit trop tard  soit trop tôt. Que ce soit sur le plan éthique, militaire ou économique, le temps est passé ou il n'est pas encore venu.

La destruction de la nation ukrainienne
Sur le plan éthique, un plan de paix ne peut avoir une chance d'aboutir, que si toutes les parties en présence sont, au moins, capables de voir en l'autre un être humain, avec lequel il est possible de développer une vision politique. En l'occurrence, nationale, puisque le conflit est une guerre civile.

Après que Kiev ait détruit l'idée d'une Ukraine unie le 2 mai en permettant le massacre d'Odessa, il difficile d'organiser une rencontre autour de la position du Président Poroshenko consacrant le caractère incontestable de l'unité de l'Ukraine. 

Ce premier crime, jusqu'à présent irrésolu, fut le premier d'une grande lignée de crimes commis contre une part de la population, qui n'est plus considérée comme faisant partie de soi. Marquant ainsi la fin de la possible nation ukrainienne. Un discours de haine contre les russes ethniques s'est propagé dans la population, ces individus qu'il faut tuer au couteau, ces êtres qui ne seraient pas vraiment humains. L'on ne voir plus dans l'autre un être humain. Il faut donc un mode d'organisation territoriale qui ne permette la reconnaissance de la différence, le fédéralisme est impossible, l'Etat unitaire est le seul acceptable et en phase avec l'idéologie au pouvoir.

Les ukrainiens non russes ethniques ne pourraient comprendre que, soudain, leurs dirigeants leur disent: maintenant c'est fini, tout va bien, on va vivre ensemble et en paix. Chacun son territoire et ses lois dans une Ukraine fédérale. Même si c'est la seule sortie de crise, elle est impossible, elle obligerait les dirigeants ukrainiens à se dédire. Les dirigeants ukrainiens se sont enfermés dans une impasse et ne peuvent que rejeter la fédéralisation qui deviendrait le signe de leur échec. Et les ukrainiens ethniquement russes, après tous ces combats, ces massacres, ces crimes de guerre, ont de plus en plus de difficultés à imaginer pouvoir reconstruire une vie ensemble. Or, ce qui ne peut être conçu, ne peut être réalisé et vécu. Cette paix, celle du mea culpa et de la reconnaissance réciproque, a peu de chances de voir le jour sans fécondation in vitro.

Et la position des politiques ukrainiens, juste avant le sommet de Minsk, est révélateur de la crispation. Turchinov, ancien Président par interim lors du coup d'Etat de Kiev, actuellement par interim à la tête du Parlement, affirme sur tous les médias ukrainiens qu'une solution diplomatique au conflit n'est pas possible, la sortie de crise passe par la victoire militaire sur le Donbass. Quoi de plus éloigné d'une volonté de négocier? Et l'attitude de Poroshenko le confirme. Dès son discours introductif il parle de l'unité de l'Ukraine, du rejet du fédéralisme, du caractère inacceptable de toute ingérence extérieure etc. Il n'y a aucune volonté d'appaisement.

Les combattants reprennent du terrain, mais l'armée ukrainienne n'est pas en déroute
Sur le plan militaire, pour qu'un processus de paix ait une chance d'aboutir, il faut qu'une partie soit certaine qu'elle ne puisse aller plus loin et l'autre, qu'elle ne puisse, maintenant, que reculer. Dans ce cas, chacune peut renoncer au combat, car le prologement du conflit va à l'encontre de leurs intérêts.

Or, ici, personne, sur le terrain, n'a intérêt à mettre un terme au conflit armé aujourd'hui. 

Les combattants reprennent du terrain et attaquent sur tous les fronts. Lugansk annonce la possibilité de rompre le blocus de la ville dans les prochains jours. Dans la région de Donetsk, les combats continuent et tournent en faveur des combattants. Il a suffit du bruit de leur approche de Mariupole pour que les bataillons privés quittent la ville. Selon certains bruits, non confirmés, le gouverneur Taruta aurait déjà quitté la ville. Il faut dire que, la veille du sommet, il a donné une interprétation très personnelle du règlement pacifique de la situation, sur Ukraïnskaya Pravda: si les parties en présence au sommet de Minsk peuvent trouver un accord sur la désescalade du conflit, alors il suffira au pouvoir de 2-3 semaines pour nettoyer le Donbass. 

Donc, sur le plan militaire, les pourparlers de Minsk auraient pu servir de fondement pour "nettoyer" le Donbass des combattants. Ce n'est pas tout à fait l'état d'esprit demandé pour une désescalade.

Mais il est vrai que la situation de l'armée ukrainienne devient particulièrement délicate. De plus en plus souvent, des militaires se trouvant encerclés se rendent. Hier, par exemple, 100 soldats et officiers ukrainiens se sont rendus à Kuteïnikovo. Aujourd'hui, 129 à Starobechevo. Dans les différentes zones de combats, plusieurs enclaves sont entrain de se refermer sur les soldats ukrainiens. On parle de 7000 personnes. Actuellement, vue la situation, 4 à 5000 personnes sont quasiment mis hors d'état de se battre. De ce fait, s'ils tombent également, il reste environ un millier de militaires en état de combat. Ce qui désorganiserait totalement le front sud de l'armée ukrainienne dans le Donbass et ouvrirait la voie à une avancée massive des forces de Donbass.

Pour autant, ce scénario est peu vraissemblable, vu le volume des forces combattantes du Donbass. Ils n'ont objectivement pas la possibilité, selon les analystes russes, de pouvoir mettre l'armée ukrainienne totalement en déroute. Ils manquent de moyens par rapport à une armée régulière. C'est pour cela justement, en s'appuyant sur cette estimation de la situation, que Poroshenko ne peut encore négocier un cessez-le-feu: il estime pouvoir encore reprendre du terrain.

Même si le temps joue contre lui. Par exemple, les mercenaires ukrainiens, qui se sont sauvés de Mariupole en courant à l'annonce de l'arrivée de forces combattantes, sont partis en direction de Oblast de Zaporijia, où ils se sont fait recevoir par les combattants locaux, certains mercenaires ayant du revenir vers Mariupole, où ils se sont fait, cette fois, recevoir par les combattants locaux.

L'illusion découlant de l'espoir peut être préjudiciable, mais c'est une partie de poker et la posture vaut presque autant que le fait.

L'Ukraine est libre de s'associer à l'UE, mais la Russie n'en paiera pas les frais
Le plus grand problème qui reste en attente entre la Russie, l'UE et l'Ukraine est d'ordre économique. Il concerne tout autant les questions de circulation des marchandises entre ces trois entités, que celles du transit du gaz vers l'Europe. Or, de quel processus de paix peut-il être question quand ce ne sont pas les intérêts économiques nationaux, rationnels, qui sont en réellement en jeu, mais des intérêts géopolitiques extra-nationaux, déplaçant le discours sur un plan totalement irrationnel?

Si l'Ukraine est libre, comme tout Etat souverain, de signer un traité d'association avec l'UE, traité qui comporte un volet politique, ratifié, et économique, encore en attente, elle doit en assumer les conséquences. Soit elle s'associe à l'UE, soit elle s'associe à l'Union douanière, mais elle ne peut prétendre aux deux et la Russie n'est pas prête à risquer des pertes de l'ordre d'une centaine de milliards de roubles pour le choix politique de l'Ukraine.

La mise en conformité des productions ukrainiennes avec les normes européennes va lui coûter très cher, son marché intérieur sera ouvert à la production européenne et il y a peu de chance pour qu'elle puisse exporter ses produits vers un marché européen déjà saturé, sans oublier les risques de désindustrialisation. Pour sa part, la Russie sera obligée de revenir sur la préférence douanière accordée à l'Ukraine, et devra protéger son marché intérieur. Car vu le contexte, V. Poutine soupçonne l'utilisation de l'Ukraine pour faire transiter des produits en provenance, réellement, des pays de l'UE à un autre tarif douanier et sous d'autres conditions. Ce qui serait préjudiciable au marché russe.

La question énergétique n'a pas non plus été réglée. La compagnie ukrainienne, Naftogaz, a refusé le paiement effectué par Gazprom , en avance, pour le transit du gaz vers l'Europe. Certes, le conflit sur le paiement du transit est lié au conflit sur le prix du gaz, les deux tarifs étant liés. Mais cela ne change rien au fait que, en conséquence, le transit du gaz vers l'Europe est pris en otage par l'Ukraine, pour forcer Gazprom à des conditions de prix qui ne sont pas contractuelles.

Il en ressort que, sur le plan économique, la signature de l'accord avec l'UE, dans la forme actuelle, n'est pas de l'intérêt de l'Ukraine. Pourtant l'accord va être envoyé au Parlement ukrainien, aujourd'hui suspendu, qui pourra ainsi entériné un accord économiquement dangereux pour le pays, sans avoir à en supporter la responsabilité politique. 

Mais si aucun compromis n' a pu être trouvé à Minsk, c'est par ce que la raison est politique. L'UE a besoin d'un nouveau marché pour écouler sa marchandise, son propre marché étant totalement saturé. Elle paie assez cher la guerre en Ukraine, il faut qu'elle y trouve sa compensation, alors que l'Ukraine, de son côté, a besoin du soutien financier et de la caution morale qu'elle lui donne. En d'autre temps, les troupes se payaient sur les villes prises, mises au pillage et les femmes au viol. Nous vivons dans une époque beaucoup plus civilisée, on ne le fait plus ouvertement et en public. Mais sur le fond, la population appréciera la nuance cet hiver. L'UE, bien représentée au sommet de Minsk, a veillé au grain. Donc, aucun accord ne pouvait être trouvé.

Si cet acte de l'épopée ukrainienne a pu démontrer l'inefficacité des processus politiques à accoucher d'un accord de paix, peut-on pour autant dire que la réponse doit être militaire? Je pose ma question autrement: A quel moment une des parties en présence - des forces de Kiev ou des combattants - pourra-t-elle dire qu'elle a gagné? 

Du côté des forces de Kiev, faudra-t-il totalement anéantir la population du Donbass, le "nettoyer" pour reprendre l'expression du Gouverneur Taruta? Faudra-t-il que la Russie introduise les forces armées - même s'il y a peu de chance - pour que le but réel soit atteint et que le conflit prenne un nouveau tour? C'est peu probable, le Conseil de sécurité et de défense ukrainien a déjà déclaré ne pas considérer les 10 soldats russes arrêtés comme des prisonniers de guerre. Ils ne semblaient être nécessaires que pour empêcher la possibilité même d'un accord à Minsk. But atteint. Mais Kiev n'est-il pas face à une guerre qu'il ne peut pas gagner? Et les combattants, eux, jusqu'où doivent-ils aller? Dans quelles frontières? Quelles sont les revendications politiques?

Pour qu'un réel processus de paix puisse honnêtement avoir lieu, non seulement aucune des deux parties n'y a aujourd'hui intérêt, mais trop de questions restent encore irrésolues. Elles doivent absolument être examinées en préalable à toute démarche pacifique, qui entende avoir comme résultat la paix.



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