A l'occasion du sommet informel de Malte, toute la faiblesse de l'Union européenne a explosé en plein jour. Et tout cela à cause de D. Trump, qui a dit que le Roi était nu. Car c'est l'impasse: l'Union européenne ne pourrait survivre qu'en commençant une politique "européenne", or elle en est incapable.
Ces critiques furent particulièrement mal prises, car finalement, D. Trump n'a fait que dire tout haut ce que déjà beaucoup n'osaient formuler. Le départ assumé de la Grande Bretagne, des élections incertaines en France et en Allemagne, cumulé à tout cela, l'Union européenne chancelle sous le poids d'interrogations qu'elle n'est pas prête à assumer.
Comme si tout cela n'était pas déjà suffisant, Ted Malloch, ambassadeur américain auprès de l'UE, fait une déclaration cinglante à la BBC:
« J’ai déjà eu des postes diplomatiques dans le passé qui m’ont permis d’aider à abattre l’URSS. Alors, peut-être qu’une autre Union a aussi besoin d’être domptée »D. Tusk a donné le ton d'entrée de jeu: la question est existentielle, dans le sens direct du terme.
« Ce qu'il nous faut, c'est du courage, de la détermination et de la solidarité politique entre Européens », a-t-il plaidé avant de menacer : « Sans cela, nous ne survivrons pas »
Mais d'où vient cette subite frayeur? D'autant plus que l'Union européenne reconnait manifestement le bien fondé des critiques de Trump sur l'immigration, et d'une seule voix les dirigeants déclarent la nécessité de mettre fin à l'immigration clandestine qui submerge l'Europe et l'Italie en premier lieu et pour cela travailler plus étroitement avec la Libye. Ce pays miraculeusement devenu plus problématique que démocratique depuis l'intervention des pays, eux, évidemment hautement démocratiques et l'assassinat qu'ils ont froidement perpétré de Khadafi.
Mais immédiatement l'Union s'empêtre dans son politiquement correct. Certes, elle veut travailler avec Libye, comme elle a tenté de le faire avec la Turquie. Construire sur place des camps pour les candidats à l'immigration clandestine, renforcer les frontières du pays, soutenir les autorités locales, contribuer au retour des immigrés clandestins, puisque finalement c'est bien de cela qu'il s'agit et non de mythiques "migrants", dans leurs pays d'origine lorsqu'ils n'ont pu être régularisés. Et quel scandale, les ONG s'insurgent, pauvres d'eux, nous bafouons les droits de l'homme. Et D. Tusk de faire marche arrière toute: ne vous iquiétez pas, nous respecterons les droits de l'homme. Manifestement, le droit de certains hommes est plus important que le droit - tout court. Ce qui remet totalement en cause le fondement d'état de droit des sociétés européennes. D'autant plus que le commerce d'immigrés clandestins est très lucratif pour les pays de transit:
« Il y a aussi maintenant un engagement direct avec les tribus dans le sud de la Libye, qui ont jusqu'à présent collaboré avec les trafiquants et gagné entre 5 et 6 millions d'euros par semaine grâce à cela »
Il l'est beaucoup moins pour les pays qui se trouvent confrontés à l'afflux incessant d'immigrés, comme l'Italie, qui a perdu, sans compter les problèmes posés pour le tourisme, plus de 8 milliards d'euros ces trois dernières années:
D'un seul coup aussi, l'UE se souvient que les Etats Unis ont leur part de responsabilité dans la crise migratoire, puisqu'ils ont allègrement bombardé ces pays. Ce qui est vrai. Mais le soutien de l'UE ... non, parlons d'autres choses. Par exemple, des "valeurs de l'UE", comme la mondialisation, l'abolition des frontières... L'UE est donc devenu le chantre de la globalisation et cette nouvelle Amérique ne lui plait pas, car elle a changé de discours. Alors certains pays de l'Est européen ne suivent pas le discours des fonctionnaires européens et ici aussi pas de consensus.
Comme le disait D. Tusk:
« Le changement à Washington place l’UE dans une position difficile, avec une nouvelle administration qui semble remettre en cause soixante-dix ans de politique étrangère américaine. »
Et l'UE n'est pas prête à s'adapter à la nouvelle réalité. Beaucoup n'y croient pas, préfèrent ne pas y croire, et se bercent d'illusion au lieu de s'interroger sur les faiblesses de l'UE. Ils préfèrent parler de"post-vérité", terme propre à une société politique affaiblie, qui va leur renvoyer en plein visage la dure réalité des choses. Mais non, les Etats Unis cèderont, donc pour l'instant, il vaut mieux ne pas faire de vagues:
« Pas question d’entrer dans une polémique qui risquerait de dégénérer. Pour l’instant, les décisions de Washington paraissent assez inarticulées. Un jour ou l’autre, Trump va devoir en revenir au lien transatlantique », explique un diplomate, traduisant un sentiment assez répandu à Bruxelles. A la Commission, « on ne souhaite pas jeter de l’huile sur le feu, ou participer à l’hystérie »
Dans cette grande attention de ne rien faire, l'on entend poindre une autre voix, plus radicale, qui en appelle à la fin de la naïveté politique de l'Europe face aux Etats Unis. Il faut s'assumer: encore plus global, encore plus mondialiste face aux Etats Unis qui jouent le protectionnisme.
Le secrétaire d'État français chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl, a estimé dimanche que l'Union européenne devait sortir de sa "servitude" vis-à-vis des Etats-Unis en matière de mondialisation. (...) "Face à cela, l'Europe doit en revanche savoir peser sur la mondialisation, et sortir de sa servitude volontaire vis-à-vis des États-Unis. Elle doit mettre un terme à la naïveté dont elle fait parfois preuve et appliquer pleinement le principe de réciprocité dans ses relations économiques"
Le bateau coule? Allons encore plus haut, encore plus loin. C'est un combat politique que l'on voit poindre au niveau des Etats européens: souverainisme v. globalisme. La Grande Bretagne a fait son choix, la France est en train de le faire dans la douleur, d'autres pays s'y engagent. Les enjeux sont assez clairs: soit l'UE peut devenir le nouveau corps du système néolibéral globalisant, au prix des Etats européens et de leurs populations, soit les Etats tentent de mettre en place un projet qui soit réellement européen, mais sans l'Union européenne.
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