Lorsqu'en pleine furie néolibérale, la Russie déclare l'Etat social, c'est bien, mais il faut l'assumer. Non seulement en l'inscrivant dans la Constitution, mais en le réalisant. Autrement que formellement par quelques chiffres et pourcentages. Dans la réalité du soutien social apporté aux gens. Ce décalage entre le discours et la réalité a provoqué un fou rire de la présentatrice sur la chaîne publique Rossiya. Heureusement, pas en direct. Maintenant malaise ... le Roi est-il nu ?
Souvenez-vous des déclarations des politiques insistant sur l'importance stratégique pour la Russie de soutenir la population. Le Premier ministre déclarait même, ensuite, que cet effort social de l'Etat va être un des éléments de relance de l'économie - par la consommation.
Les premiers chiffres de cette "révolution sociale" en pleine vague néolibérale sont tombés. L'aide sociale apportée aux personnes en ayant besoin va, grâce à l'indexation (qui doit absolument être inscrite dans la Constitution) augmenter de 3%. Concrètement, cela représente une aide sociale de 1 500 roubles, soit environ 21,50 euros. Cette coquette somme est répartie, je cite, de la manière suivante :
"environ 900 roubles (12,85 euros) pourront servir pour les médicaments, 137 roubles (1,95 euros) pour aller dans un sanatorium et le reste de la somme (soit environ 463 roubles - 6,61 euros) pour les trajets internationaux pour les vacances."
Cette absurdité est annoncée avec le plus grand sérieux par le Gouvernement. Passons sur la faiblesse du montant de la somme, en soi, de cette aide sociale. Oser dire moins de deux euros, après indexation, pour aller dans un sanatorium (à cheval?), 12 euros pour les médicaments (surtout que cette catégorie de personnes n'aura pas les moyens d'une complémentaire, pas encore répandue en Russie de toute manière), et comme nous sommes généreux, vous pourrez utiliser ce qui reste, soit 6,61 euros pour aller en vacances à l'étranger ! Dans quel monde vivent les ministres et autres managers qui prévoient non seulement ces "réformes", mais qui préparent les textes de déclarations ? Ils vivent dans un monde où il faut partir en vacances à l'étranger, donc l'on maintient le discours pour bien se différencier de l'époque soviétique. Mais sans se donner les moyens d'un Etat social, qui coûte cher. Cela ressemble à une mauvaise imitation. Mieux aurait valu discrètement indexer, sans présenter cette petite mesure technique comme un grand acquis social.
L'absurdité de la chose est telle que, de manière très naturelle, la présentatrice du reportage sur la chaîne Rossiya en Kamtchatka, lors de l'enregistrement de l'émission, est simplement partie en fou rire en répétant à ses collègues "le reste de la somme pour les trajets internationaux pour les vacances". Il est vrai qu'en lisant le texte, il était difficile de réagir autrement. A son insu, la vidéo a été diffusée et fait fureur, non pas uniquement sur le net :
Panique à bord. Comment peut-on rire de l'Etat social ? Le directeur de la filiale régionale de cette chaîne fédérale a eu une discussion avec la journaliste, pour l'instant, heureusement, aucune mesure disciplinaire n'a été prise - mais ils réfléchissent.
Car c'est justement le journalisme que les gens aimeraient voir, en direct, diffusé officiellement. Un journalisme objectif et raisonnable. Comment ne pas rire devant ces chiffres aussi ridicules que les déclarations sont prétentieuses ? Une saine réaction, qui devrait plutôt faire réfléchir et le Gouvernement, et leur service de communication. Dans le cas contraire, l'on pourrait toujours remplacer les journalistes par des robots, ils se programment plus facilement, les humains résistent encore un peu.
PS: Note aux journalistes : faites attention avec les manageurs, ce sont des gens sérieux, qui s'occupent de choses sérieuses, et qui n'ont aucun sens de l'humour. Comme dirait le Petit Prince, ce ne sont pas des hommes, ce sont des champignons!
Ce sont les premières mesures sociales prises par le nouveau gouvernement? Tout ça pour ça? C'était bien la peine.
RépondreSupprimerbien sympa, cette journaliste!
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