Voir: http://www.gazeta.ru/politics/2014/02/24_a_5924689.shtml
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Meeting anti-Bandera à Sébastopol - 25 000 personnes environ |
Ces derniers jours, la situation en Ukraine a évolué on ne peut plus rapidement. La rada a pris les pleins pouvoirs, Yunukovych est parti se réfugier à Kharkov, la rada l'a démissioné et a transmis ses compétences au speaker qu'elle a elle-même élu, A. Turchinov (après que l'ancien speaker ait été battu et ait démissioné), l'éminence grise de Timoshenko. Pour libérer l'égérie, la législation est modifiée, des lois ayant effet direct sont adoptées, les ministres sont démis de leurs fonctions et remplacés par des représentants temporaires. C'est une législation d'exception qui a été mise en place par un Parlement qui s'octroie de facto des compétences qu'il n'a pas, détruisant par là-même l'état de droit. Si des élections présidentielles anticipées sont annoncées pour le 25 mai, étrangement personne ne parle d'élections parlementaires. Les Etats Unis déclarent le Parlement légitime et ne qualifient pas ces évènements de coup d'Etat.
La rue et les bâtiments officiels sont sous le contrôle des combattants de Maïdan, la police, Berkut et l'armée sont dans leurs baraquements. La Rada annonce un nettoyage des forces de l'ordre et des magistrats. Le modèle américain de Transitional Justice est en route. Le "Tribunal" de Maïdan demande que Yanukovych lui soit déféré pour y être immédiatement jugé.
Timoshenko sort de l'hôpital-prison, arrive à Maïdan, y fait une déclaration selon laquelle tous les responsables du sang qui coulé dans les rues de Kiev doivent être chatiés, que l'Ukraine va bientôt entrer dans l'Union européenne, ce qui va régler beaucoup de problèmes. Yanukovych et d'autres politiciens sont sous le coup d'un mandat d'arrêt.
Pourtant, Maïdan ne désarme pas. Et pour cause. Le lendemain, Secteur droit, la branche armée de l'extrême droite ukrainienne (qui s'est vu proposer de faire partie du ministère de l'intérieur) déclare garder les armes et la place, ne pas s'être battu pour le retour en politique de Timoshenko et de ces politiciens pourris professionnels, mais pour le changement complet des structures de pouvoir en Ukraine. C'est eux qui assurent la liberté de circulation, contrôle les véhicules et les passeports. En chemin, les véhicule des Timoshenko et de Iatseniouk sont arrêtés, pour que les choses leur soient clairement expliquées.
Pendant ce temps, à Kharkov, Yanukovych fait une intervention télévisée qui ne peut que confirmer sa faiblesse congénitale. Il fera son possible pour sortir l'Ukraine de la crise, mais ne sait pas encore comment. Il explique avoir subi des pressions constantes, qualifie les évènement de coup d'état, explique les menaces dont font l'objet les députés de son parti tant qu'ils n'en sortent pas. Avec des trémolos dans la voix, il insiste sur les garanties que lui ont donnnées les négociateurs internationaux sur sa sécurité. Le soir même, le premier ministre polonais, qui participait aux négiciations, affirme qu'aucune garantie n'a été donnée. Il n'est plus utile. A personne. Ni aux occidentaux qui en ont tiré tout ce qu'ils pouvaient, ni au parti des régions qui reporte sur lui les conséquences de la crises pour sauver sa peau, ni aux régions "loyalistes" qui ne peuvent avoir confiance en quelqu'un qui a trahie l'Etat. Aujourd'hui, Kharkov est sur le point de tomber entre les mains des manifestants "pacifistes" de Maïdan qui ont pris dans la nuit l'administration centrale - avec des fleurs évidemment, raison pour laquelle ils y ont établi un hôpital de campagne. Cette après-midi, l'administration fonctionne, mais la situation n'est pas réglée. Contrairement aux fausses informations, ni le maire, ni le gouverneur ne sont en fuite, ils ont été vus plusieurs fois sur place. Mais leurs figures devient trop emblèmatique pour Maïdan. Ce Maïdan, lui-même symbole de la dépersonnalisation du pouvoir et donc de sa déresponsabilisation.
Alors que Yanukovych fait preuve de sa faiblesse habituelle, se tient, également à Kharkov, où il n'a pas été invité, un congrès de l'auto-administration locale des régions du sud-est. Le dirigeant de la région de Kharkov et le maire deviennent les figures de proue de la résistance pacifique. Plus de 40 000 représentants de ces régions sont réunis, les mots sont beaux, les déclarations aussi, mais cela manque beaucoup de concrêt. Ils déclarent que les régions prennent, tant qu'un pouvoir institutionnel légitime n'est pas institué en Ukraine, la conduite des affaires politiques locales et assurent l'ordre constitutionnel en Ukraine. Mais concrètement comment, les hésitations se font encore entendre et les non-dits hurlent aux oreilles.
Pour entendre ces résolutions, il faudra que la population, pourtant très calme, de Sébastopol se mobilise. En en ayant assez des hésitations politiques, dans la seule ville d'Ukraine où le maire est nommé par Kiev et non élu par ses concitoyens de peur de voir un maire pro-russe, environ 25 000 personnes ont élu Alekseï Tchaly à la mairie, homme d'affaires pro-russe, dont le grand-père était le commandant en chef de la flotte de la mer noire. C'est alors que la population a voulu forcer le cours de choses et une récolution beaucoup plus concrête a été prise: les forces de l'ordre dépendent de l'administration locale, celle-ci n'enverra pas ses contributions budgétaires au centre. Bref, Sébastopol ne veut pas financer la révolution. Aujourd'hui, l'ancien maire nommé par Kiev a démissionné.
Tous ces évènements sont surprenants. Pourquoi cette manifestation à Kiev, si peu médiatisée, contre Timoshenko? Pourquoi adopter en urgence le retour à une constitution parlementaire avant l'arrivée de Timoshenko? Peut être parce que si Yanukovych avait la maladie de l'argent, Timoshenko a celle du pouvoir. Si jamais elle devient Présidente de l'Ukraine, elle voudra gouverner et non pas jouer le rôle d'un symbole. Sans oublier qu'il lui serait difficile de jouer le rôle de l'égérie (vraiment) nationale, car en sa personne ne se résolvent pas les problèmes de confrotations idéologiques et politiques qui secouent aujourd'hui l'Ukraine. Encore une question. Le "nouvel ordre mondial" a-t-il besoin de pays, certes faibles, mais qui veulent se gouverner? C'est à en douter.
Autrement dit, l'Ukraine est devant un choix existentiel. Ou bien elle reste un Etat, et la proposition russe de renforcer le fédéralisme afin de garder l'intégrité territoriale et la paix sociale a un sens, ou bien elle se dirige vers des conflits sans fins qui sont la résultante attendue des ces "nouveaux modes de gouvernance". Aucun Etat moderne ne se gouverne par les mécanismes de démocratie directe, c'est un mythe. Les structures étatiques et les modalités du pouvoir dans un Etat développé sont beaucoup trop complexes pour cela. Dans le cas contraire, cela ne conduirait qu'à son affaiblissement. La rue confondue avec la démocratie directe, c'est la recette du chaos, pas de la démocratie.
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