Mais pourquoi Igor Strelkov, qui commande les forces armées de la République de Donetsk, est-il parti de Slaviansk? Cette question a hanté les médias et l'internet russe dès la nouvelle tombée samedi matin: les combattants quittent Slaviansk et se regroupent sur Donetsk. Fuite? Repli stratégique? Coup médiatico-politique? Stratégie militaire ou politique? Un peu de tout, mais surtout un coup de semonce à la Russie. Et il semble que le message soit passé. Même si une réponse claire n'a toujours pas été apportée.
Avec une facilité surprenante, samedi matin, et presque sans pertes, ni en hommes ni en techniques, Strelkov a brisé le blocus militaire de la ville de Slaviansk, a emmené toute sa colonne d'hommes, de véhicules et d'armes sans incidents notoires jusqu'à Donetsk, om les forces se regroupent. Quelle sortie surprenante, quelle facilité pour sortir de ce blocus. Et tout de suite des questions surviennent, pourquoi y être resté si longtemps? Etait-ce donc nécessaire? Pour qui?
L'idée selon laquelle cette sortie est une démarche de stratégie politique tout autant que militaire a éclaté au grand jour, remettant en cause le bon vouloir d'une partie de l'élite libérale nationale pseudo-patriotique, veulliez excuser ce terme qui n'est plus du tout à la mode. Comment ose-t-il être en vie, et sortir de Slaviansk alors qu'il avait promis d'y mourrir? Bel effet de Kourguinian qui dit tout haut ce que certains pensent tout bas, y compris dans les sphères de pouvoir. En sortant de cette manière, c'est-à-dire d'une manière aussi inattendue, Strelkov a démontré plusieurs choses.
Tout d'abord, qu'il peut le faire quand il le veut. Une ville tenue par les combattants, même s'ils sont plus faibles en nombre et en armement que l'armée régulière et les forces armées ukrainiennes, tiennent la ville tant qu'ils le décident et en partent quand et comme ils le décident. Pour autant, sans soutien extérieur, ils ne peuvent remporter le combat sur le long terme, même si les faiblesses de l'armée ukrainienne et la crise socio-économique qui se renforce jouent en leur faveur.
Ensuite, Strelkov fait passer le message qu'il ne va pas rester indéfiniement dans Slaviansk, alors que les élites politiques discutent et négocient tranquillement avec le nouveau pouvoir de Kiev, chacun règlant ses problèmes et questions économico-politico-financières pendant que les combattants risquent leur vie sur place, et mettent en danger la vie de la population par leur simple présence. Bref, l'élite russe, qui s'est agréablement endormie dans une situation qu'elle croyait pérenne, a dû d'un coup d'un seul se réveiller en plein cauchemar. Finalement, le temps imparti aux négociations n'est pas illimité.
Enfin, la Russie doit faire un choix plus claire et surtout l'affirmer. Il ne s'agit pas d'introduire des forces armées, il s'agit de déterminer une stratégie plus offensive qui sorte de la tradition défensive. Beaucoup d'acteurs politiques, de Novorossia ou de Russie, sont en effet fatigués de la position ultra-légaliste de la Russie. Certains y voient une manière de cacher derrière le voile du respect du droit international son absence de choix politique. D'autres estiment que le droit international n'est plus un instrument efficace, car il est violé par les Etats les plus fort, reprennant l'idée selon laquelle seuls les faibles le respectent. S'y oppose l'idée du danger d'une guerre généralisée faisant suite à l'échec trop patent des organismes internationaux, comme l'ONU, incapable d'amener les Etats à régler sur le plan diplomatique leurs conflits.
Mais dans tous les cas, la sortie de Strelkov a réveillé les forces qui avaient pris le blocus de Slaviansk comme un fait acquis. La perte de la ville est un choc plus symbolique que stratégique. Ils annoncent revenir, voire aller jusqu'à Kiev pour libérer la ville si cela est nécessaire. Maintenant, la Russie se trouve dans une situation quelque peu délicate.
Il semblerait qu'elle ait volontairement été placée dans une situation doublement conflictuelle, ce qui explique la difficulté pour elle d'afficher une position claire, sur tous les plans. L'alternative se présente grosso modo ainsi:
- soit la Russie, sous pression des clans nationalistes, intervient ouvertement en Ukraine et le conflit peut se déclarer contre elle directement (si Poroshenko ne tient pas le coup, Liachko est assez fou pour y aller, d'autant plus qu'il est la force montante de la politique ukrainienne);
- soit la Russie, sous pression des clans libéraux, n'intervient pas en Ukraine, et il est possible de jouer sur les ressentiments patriotiques bafoués pour mettre en place un "Maïdan patiotique", le "Bolotnaya" n'ayant aucune chance de faire plier le régime faute de soutien, preuve en a été donnée.
Donc, le Président russe se trouve dans une situation plus que délicate, sans oublier que la lenteur de ses réactions provoque une montée du mécontentement à l'intérieur, notamment chez les intellectuels impliqués comme Douguine. Montée extrêmement dangereuse, insistant sur l'introduction des forces armées, demandant des forces d'interpositions russes, certains appelant Strelkov à Moscou pour y mettre de l'ordre. O. Tsarev, plus calme, explique pour sa part que si la Russie n'intervient pas pour régler la situation en Ukraine, la guerre se propagera chez elle, car le combat qui se joue est un combat pour la Russie et tous les coups sont permis.
Il y a donc la recherche d'une troisième voie, alternative à l'intervention purement politique et déclarative (jeu dans les organismes internationaux) et à l'introduction de forces armées en Ukraine sans mandat de l'ONU, ce qui n'est pas considéré comme une solution. Mais quelles décisions prendre, pour l'instant rien concret n'a encore été avancé.
En tout cas, une chose a changé: Poroshenko, en rompant les pourparlers et en relançant la guerre, a trahi la confiance que V. Poutine avait mis en lui. Comme le Président russe l'a déclaré, maintenant Poroshenko a une responsabilité personnelle pour le sang versé. Cet élément peut également avoir une influence importante sur la situation.
L'Occident a toujours choisi l'attaque face à un adversaire qui cède tant soit peu à ses injonctions. Et quand on connait la nuisance destructrice des Etats Unis, la Russie n'a pas beaucoup de chance. Pour l'instant du moins, ce qui va pousser les impérialistes à se dépêcher. Quand on sait en outre que ce sont les mêmes puissances financières qui ont soutenu Hitler et qui maintenant soutiennent la Globalisation, on est en droit de s'inquiéter.
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