La Russie se trouve aujourd'hui à un tournant. En se posant comme centre de pouvoir indépendant, elle oblige à revenir à un monde multipolaire, ce que les Etats Unis et leurs pays satellites ne peuvent accepter le sourire aux lèvres. En l'affirmant, elle créé une réalité alernative au discours commun en Occident, réalité combattue car si elle s'impose dans les faits au quotidien elle va obliger à repenser tous les rapports de pouvoir. Le sujet est vaste, trop pour être traité en une fois ici. Un aspect de la question, lié à l'actualité, va attirer notre attention, la question de la stabilité intérieure.
Pour être puissante sur la scène internationale, la Russie a besoin de stabilité intérieure. Ce qui explique le combat acharné mené par les Etats Unis pour l'augmentation illimitée des sanctions économiques et financières contre la Russie. En destabilisant de l'extérieur l'équilibre économique et financier du pays, ils espèrent rompre l'accord politique et social.
Mais en plus du danger extérieur, il existe un danger intérieur. L'assassinat de B. Nemtsov est un bon exemple en la matière. Car l'enjeu est multiple:
- le bon fonctionnement des organes de police au niveau tant préventif que répressif
- le bon fonctionnement des organes de justice
- la normalisation de l'image de la Russie
Et en demandant à ce que la Russie soit débarrassée d'assassinats politiques dans le style de celui de B. Nemtsov, cela implique à la fois un travail permettant de prévenir leur réalisation, mais également la mise en place d'une justice efficace permettant de résoudre rapidement l'affaire. Car si le temps de la justice n'est pas celui des médias, une justice trop longue porte préjudice à la confiance des individus dans les structures étatiques. Et dans le cas de la Russie, différentes forces intérieures et extérieures l'utilisent à merveille.
C'est en ce sens qu'il est important pour la Russie de normaliser le discours et donc l'image. La question restant: est-ce possible? Comme nous l'avons déjà écrit à plusieurs reprises, la plus grande difficulté vient du fait que ce qui s'appelle l'opposition libérale ne propose pas une alternative libérale à la politique menée, elle cherche un changement de pouvoir. La museler n'a aucun sens car la Russie est une société complexe qui assume sa diversité intérieure. Ce qui est plus regrettable est que la médiatisation de ces points de vue ne soit pas proportionnelle à leur représentativité dans la population. Et ce discours est largement repris et diffusé en Occident, présenté comme seul discours démocratique.
C'est cette difficulté qui mine encore le développement de la Russie. D'autant plus que le pouvoir semble avoir épisodiquement l'espoir d'être accepté dans le clan dominant. Ce qui entraîne une réelle confusion. Car soit la Russie veut réellement se poser en centre de pouvoir alternatif, soit elle veut être acceptée dans le groupe existant. Il est difficilement envisageable que les deux hypothèses soient compatibles. Dans tous les cas, seule une stabilité intérieure à toute épreuve permettra de garantir le poids de la Russie à l'extérieur.
"une stabilité intérieure à toute épreuve permettra de garantir le poids de la Russie à l'extérieur" Oui mais c'est pas facile avec les "gentils" derrière. Ou alors moi je vois un côté pragmatique, c'est d'envoyer Fedor Emelianenko chez Obama. Pour calmer les esprits, ça peut être pas mal.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerLorsque vous dites :
" Car soit la Russie veut réellement se poser en centre de pouvoir alternatif, soit elle veut être acceptée dans le groupe existant.",
la logique du raisonnement me paraît fort binaire. Il me semble en effet que la Russie (du moins ses représentants actuels) ne désire pas la guerre. Que ce soit par conscience qu'elle ne peut déstabiliser le bloc OTAN et ses alliés seule, ni même avec d'autres, soit qu'elle ne le désire pas. Peut-être n'a-t'elle réellement pas l'intention d'être un centre absolu d'un autre système. En fait je ne sais pas ses intentions.
Par contre, il m'apparaît bien plus correct de penser qu'elle désire être un des pôles d'un monde, d'un système reconstitué (plus que détruit) bien plus que "son" pôle. Ce serait donc aux USA d'évoluer dans leur mentalité, donc dans leur façon de se comporter pour, eux, être accepté dans le monde réel futur.
Un des pôles de ce monde, pas son pôle, et dans un système qui aurait évolué, pas dans le système tel qu'il est représenté aujourd'hui en occident. Et cette troisième possibilité est une ouverture à bien des possibilités, on est loin du "c'est ceci ou cela". ;-)
Quoi qu'il en soit, merci pour tous vos sujets toujours très intéressants.
"C'est en ce sens qu'il est important pour la Russie de normaliser le discours et donc l'image." "Normaliser", écrivez-vous.Mais jusqu'où, et selon quelles normes? L'objectif n'en serait-il pas réduit à se rendre "fréquentable" au yeux de certains qui eux-mêmes ne le sont que peu ou prou...?
RépondreSupprimerNe serait-ce pas plus simple, plus "efficace", mais bien sûr aussi plus osé, que la Russie assume sa "différence"? Celle-ci ne lui est reprochée ni par la Chine, ni par l'Inde, ni par le Brésil, ni par l'Afrique du Sud, etc...
Et merci pour vos billets que nous attendons toujours avec impatience.